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Qu'est-ce que le devoir de conseil en assurance vie ?

Achevé de rédiger le 25/04/2012

Clef de voûte de la protection de l’assuré

Le devoir d’information et de conseil est l’une des clefs de voûte de la protection de l’assuré, et ce quel que soit le type de contrat d’assurance souscrit. Ce devoir incombe à l’ensemble des professionnels de l’assurance, c'est-à-dire à toute entreprise d’assurance régie par le Code des assurances (sociétés d’assurance, mutuelles d’assurance), le Code de la mutualité (mutuelles de santé) ou le Code de la sécurité sociale (institutions de prévoyance).

Le devoir d’information et de conseil concerne également toute personne ou institution intervenant dans la distribution des produits (agents généraux, courtiers, CGPI, associations d’épargnants…), y compris les salariés des guichets financiers. La réglementation s’applique donc quel que soit le mode de commercialisation du contrat, les textes prévoyant juste que l’information puisse être fournie oralement en cas de commercialisation à distance (des supports « écrits et durables » devront toutefois être communiqués « sitôt le contrat conclu »).

A cet égard, Internet est considéré comme un canal de distribution comme les autres, et la réglementation qui s’applique aux contrats en ligne est identique. Comme en agence, il est possible de souscrire des produits simples quasiment sans conseil préalable. Comme en agence, la souscription de produits complexes suppose un accès préalable à toute l’information nécessaire à la bonne compréhension du contrat, et une évaluation de la situation et des besoins du client.

A l’origine du devoir d’information et de conseil, on trouve le souci du législateur et des juges de pallier le caractère asymétrique de la relation contractuelle très spécifique qu’est le contrat d’assurance. Rappelons à cet égard que les dispositions du droit commun reposent sur l’équité entre co-contractants (article 1135 du Code civil). Or, dans le domaine de l’assurance plus qu’ailleurs, le déséquilibre est spécialement marqué entre le professionnel et son client.

Le manquement au devoir d’information et de conseil est d’ailleurs à l’origine d’un contentieux important, et par conséquent d’une jurisprudence foisonnante venue au fur et à mesure compléter le droit commun (article 1147 du Code civil). Il est en effet pour le moins tentant, pour un assuré déçu par les garanties offertes, de reprocher à son assureur de ne pas l’avoir correctement informé du contenu de son contrat, ou de ne pas avoir suffisamment pris en compte ses besoins lors de la souscription.

L’obligation d’information consiste, de manière objective, à faire connaître au candidat à l’assurance les droits et obligations résultant de la souscription du contrat et de son exécution, et à lui expliquer les garanties offertes et leur prix. Il s’agit d’une obligation de résultat, précise et formelle, susceptible d’être commune au plus grand nombre.

Elle trouve sa source à l’article L 112-2 du Code des Assurances, qui exige de l’assureur la communication d’informations précontractuelles destinées à éclairer le consentement de l’assuré, et se matérialise par la remise d’une notice d’information décrivant les garanties accordées. A noter que les informations données doivent être adaptées à la complexité du produit proposé. Le non respect de l’obligation d’information peut entrainer la nullité du contrat, si le défaut d’information entraine un vice de consentement de l’assuré. Si ce dernier parvient de surcroît à prouver qu’il a subi un préjudice, la responsabilité civile de l’assureur peut en outre être engagée. Enfin c’est au professionnel de l’assurance de prouver qu’il a bien exécuté son obligation.

Le devoir de conseil est propre à chaque individu (ou à chaque groupe d’individus). Il va plus loin car il débouche, au final, sur une recommandation quant au choix du produit. Pour l’assureur, il s’agit d’une obligation de moyen renforcée, par laquelle il s’engage implicitement à tout mettre en œuvre pour servir au mieux les intérêts de son client. D’origine jurisprudentielle, le devoir de conseil découle d’un célèbre arrêt de Cour de cassation du 10 novembre 1964, posant que « le courtier doit être un guide sûr et un conseiller expérimenté ».

Le législateur n’est intervenu que tardivement sur le sujet. C’est la directive européenne sur l’intermédiation en assurance, transposée en France par la loi DDAC du 15 décembre 2005, qui a récemment encadré le devoir de conseil. Devoir qui doit désormais être formalisé par écrit pour tous les intermédiaires en assurance, et adapté à la complexité du produit (article L 520-1 du Code des assurances).

Une double exigence d’information et de conseil renforcée en assurance-vie

C’est sans doute dans le domaine de l’assurance-vie que l’application du devoir d’information et de conseil est la plus stricte, le législateur et les juges souhaitant, encore plus qu’ailleurs, protéger l’épargnant et éviter toute pratique commerciale inadaptée (« mis-selling »). Un risque qui n’est pas que théorique, comme tend à le suggérer l’importance des contentieux en la matière. Il en résulte, pour les assureurs, le nécessaire respect d’un formalisme imposé par un cadre juridique strict, et sans cesse renforcé.

Le devoir d’information en assurance-vie repose sur le triptyque information précontractuelle / faculté de renonciation / information annuelle.

L’ancien article L 132-5-1 du Code des assurances, introduit par la loi du 7 janvier 1981, pose de façon très claire le principe fondamental suivant : le non respect de l’obligation légale d’information est sanctionné par la prorogation, initialement sans limite de durée, de la faculté de renonciation, étant entendu que « toute personne physique qui a signé une proposition d’assurance ou une police d’assurance a la faculté d’y renoncer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pendant un délai de 30 jours à compter du premier versement ».

Pour mémoire, la renonciation « entraîne la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes versées par le contractant ». Et l’article L 132-5-1 de fournir la liste des deux documents de base de l’information précontractuelle : la note d’information (comportant obligatoirement « des indications précises et claires sur les dispositions essentielles du contrat ainsi que sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation »), et un modèle de lettre type destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation.

Si ce principe fondamental n’a pas été remis en cause, ses modalités d’application ont été reprécisées et détaillées depuis lors. Depuis la loi DDAC du 15 décembre 2005, et pour les contrats souscrits depuis le 1er mars 2006, ce sont les dispositions de deux articles du Code des Assurances qui s’appliquent désormais : l’article L 132-5-1 modifié précise les modalités du droit à renonciation, tandis que l’article L 132-5-2 codifie l’information précontractuelle (matérialisée désormais, en plus de la remise d’une note d’information et de la lettre de renonciation type, par la présence, en tête de proposition d’assurance ou de contrat, d’un encadré dont la forme (1 page maximum) et le contenu sont fixés réglementairement), et stipule que tout défaut d’information « entraine de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l’article L 132-5-1 ». Prorogation qui peut désormais être effectué dans la limite de 8 ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.

En vertu de la loi du 11 juin 1985, qui pose le principe de l’information annuelle, l’assureur est en outre tenu de communiquer chaque année à son client, pour tout contrat dépassant 2 000 euros d’encours, un certain nombre d’informations financières sur son contrat, relatives à la valeur de l’épargne constituée, au rendement du contrat, à la signification des opérations de rachat, et, pour les contrats liés à la cessation d’activité professionnelle (PERP, Madelin), à une estimation de la rente viagère et aux modalités de transfert du contrat.

La liste des informations devant obligatoirement être fournies est établie à l’article L 132-22 du Code des Assurances, et précisée à l’article A 132-7. Le non respect de ces obligations est, là encore, sanctionné par la prorogation de la faculté de renonciation.

A noter que depuis l’ordonnance du 30 janvier 2009, toute information relative à des produits d’assurance-vie et de retraite doit présenter « un contenu exact, clair et non trompeur », et que cette disposition s’applique également aux « communications à caractère publicitaire », qui doivent être « clairement identifiées » (Article L 132-27).

Le devoir de conseil en assurance-vie dispose d’une définition légale depuis l’ordonnance du 30 janvier 2009, et ses contours sont désormais codifiés à l’article L 132-27-1 du Code des assurances. Le débiteur du devoir de conseil (assureur, intermédiaire) est tenu de veiller à ce que le contrat soit adapté à la situation patrimoniale et personnelle de l’assuré, au moment de la souscription mais aussi tout le long de la vie du contrat, et vérifier pour ce faire sa connaissance et son expérience en matière financière. Tout fournisseur de produit d’épargne et d’assurance vie est par ailleurs tenu d’articuler les besoins et les exigences du client en fonction de la complexité du produit vendu. Il est par ailleurs tenu de mettre en garde le client si celui-ci ne communique pas les informations demandées avec exhaustivité et exactitude.

En pratique, le « bon conseil » repose sur trois éléments d’appréciation clefs : le degré d’appétence au risque, l’horizon de placement et les objectifs d’investissements. En vertu du décret du 24 août 2010, le distributeur du contrat d’assurance-vie doit effectuer cette démarche de conseil « par écrit, avec clarté et exactitude sur support papier ou tout autre support durable à sa disposition et auquel le client a facilement accès ». L’obligation vaut également pour les contrats commercialisés à distance.

Les risques d’un excès de formalisme ?

Il résulte de l’application à l’assurance-vie du devoir d’information et de conseil des obligations formalistes, renforcées par une réglementation croissante. Loi DDAC du 15 décembre 2005 transposant la directive européenne sur l’intermédiation en assurance, directive MIF de novembre 2007, ordonnance du 30 janvier 2009, directive OPCVM IV du 13 juillet 2009, loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, arrêté du 3 octobre 2011

Depuis une dizaine d’année, c’est une véritable foison de textes qui renforcent la protection des épargnants, tout en harmonisant parallèlement les règles relatives à l’assurance-vie et celles des autres produits financiers.

Depuis le 1er janvier 2010, le conseil en assurance-vie s’est ainsi rapproché du conseil en investissement.

Quant à la protection de la clientèle, c’est même devenu l’un des objectifs fixés à la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP), commune à la banque et à l’assurance, depuis l’ordonnance du 21 janvier 2010. Une mission partagée avec l’Autorité des marchés financiers (AMF), en charge du contrôle des produits financiers et de l’information publiée à leur sujet, et désormais mise en œuvre par le Pôle commun AMF-ACP.

Le risque ? Que ces dispositions, aussi légitimes soient-elles, deviennent contre-productives à force d’être extrémistes.

Linformation fournie au souscripteur est devenue particulièrement dense, information que l’intéressé n’est pas toujours en mesure de bien comprendre, à supposer qu’il en prenne effectivement connaissance.

Quant à la mise en œuvre du devoir de conseil, elle tend à pousser les intermédiaires à se décharger de toute responsabilité dès lors que le souscripteur envisage d’investir sur des classes d’actifs à risque.

Choisir des unités de compte revient pour un assuré non seulement à accepter de porter tout le risque (ce qui est le cas), mais aussi à le déclarer, en s’engageant, cerise sur le gâteau, sur le fait que les évolutions de l’épargne ainsi investie resteront sans incidence sur ses revenus. Il ne faut pas oublier que l’assuré est lui aussi tenu à un devoir d’information et de bonne foi à l’égard de l’assureur (article L 113-2, L 113-8 et L 113-9 du Code des assurances)…

Rédigé par Géraldine Vial

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