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La renonciation : un droit discrétionnaire de l'assuré, dont la bonne foi n'est pas requise

Achevé de rédiger le 14/04/2012

L’invocation des dispositions de l’article L 132-5-1 du Code des assurances est, depuis le milieu des années 2000, à l’origine d’un contentieux pour le moins foisonnant. Bon nombre d’assurés, déçus notamment par les performances de leur contrat en unités de compte dans un contexte boursier défavorable, ont en effet cherché à renoncer à leur contrat en invoquant un défaut d’information.

Deux arrêts de Cassation du 7 mars 2006 (« affaire Sénacq ») ont marqué un tournant, favorable à l’assuré, en matière de contentieux de la renonciation. Cette jurisprudence fondatrice prend appui sur le fait que les compagnies ont obligation de remettre, avant la conclusion du contrat, une note d’information distincte de la proposition de contrat ou des conditions générales (disposition allégée par la loi DDAC du 15 décembre 2005 pour les contrats souscrits depuis le 1er mars 2006 et comportant un encadré), et contenant un modèle de lettre de renonciation type. Elle a posé un certain nombre de principes, toujours en vigueur aujourd’hui, que de nombreuses décisions ultérieures sont venus confirmer et compléter :

La prorogation du délai de renonciation n’est pas contraire au droit européen : l’article L 132-5-1 est « d’ordre public et conforme à la directive 2002/83/CEE du 5 novembre 2002 » (Cassation, 7 mars 2006). Or, en l’absence de précision sur le sujet dans la directive européenne de 2002 sur l’assurance-vie, les états membres sont libres de prévoir des sanctions pour favoriser le respect des obligations prévues dans le texte européen.

L’exercice de la faculté de renonciation est un droit d’ordre public, ne requérant pas la bonne foi de l’assuré : « Il résulte de l’article L 132-5-1 du Code des assurances, d’ordre public, et conforme à la directive 2002/83/CEE du 5 novembre 2002, que l’exercice de la faculté de renonciation prorogée ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l’assuré des documents et informations énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise » (Cassation, 7 mars 2006 ; Cassation 10 juillet 2008)

La prorogation du délai de renonciation est une sanction automatique, indépendante de l’exécution du contrat : « le législateur a entendu contraindre l’assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante et a choisi d’assortir cette obligation d’une sanction automatique dont l’application ne peut être subordonnée aux circonstances de l’espèce » (Cassation, 7 mars 2006). La réalisation par l’assuré d’actes de gestion sur son contrat (rachat partiel, arbitrage, nantissement, modification de la clause bénéficiaire…) n’est donc pas de nature à modifier ce principe : « cette faculté de renonciation ouverte de plein droit au souscripteur pour sanctionner le défaut de remise par l’assureur des documents visés par ce texte [l’article L 132-5-1] est totalement indépendante de l’exécution du contrat » (Cassation, 15 décembre 2011).

Il est impossible de renoncer au droit à renonciation. D’abord parce qu’il s’agit d’une disposition d’ordre public : « La renonciation au bénéfice des dispositions d’ordre public de l’article L 132-5-1 n’est pas possible » (Cassation, 10 juillet 2008). Ensuite parce qu’il n’est pas possible de renoncer à un droit qui n’est pas encore né, or, l’absence de remise des documents d’information précontractuelle se traduit par l’absence de naissance du droit à renonciation : « la renonciation au bénéfice du formalisme protecteur et d’ordre public énoncé à l’article L 132-5-1 du Code des assurances n’est pas possible puisque ce droit n’avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation » (Cassation, 10 juillet 2008 ; Cassation, 3 septembre 2009).

L’assuré n’a pas à prouver qu’il a subi un préjudice : « La sanction instituée par l’article L 132-5-1, consistant, en cas d’insuffisance de l’information précontractuelle fournie au preneur d’assurance, proroger indéfiniment le délai d’exercice de son droit à repentir (…) n’a pas à être subordonnée à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance » (Cassation, 10 juillet 2008).

Seul le rachat total du contrat constitue une « renonciation à la renonciation », que celle-ci soit antérieure ou postérieure, l’assuré ne pouvant renoncer à un contrat qui n’existe plus. Le rachat total du contrat après demande de renonciation équivaut à une renonciation au droit à repentir (Cassation, 11 septembre 2008), si bien que« la demande de rachat total d’un contrat d’assurance sur la vie met fin à ce contrat et prive de tout effet la faculté de renonciation exercée antérieurement » (Cassation, 14 janvier 2010). De même, « la demande de rachat total d’un contrat d’assurance sur la vie met fin à ce contrat et prive de tout effet la faculté de renonciation exercée postérieurement » (Cassation, 19 février 2009).

La sanction imposée à l’assureur en cas d’exercice de la faculté de renonciation (restituer l’intégralité des primes versées) est conforme à la constitution. La Cour de Cassation a rejeté, le 13 janvier 2011, le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) formulée par une société d’assurance-vie luxembourgeoise soutenant que les articles L 132-5-1 (ancienne version) et L 132-5-2 portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. La Cour de Cassation affirme ainsi que « la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes versées par le souscripteur ayant usé de son droit à renonciation présente un caractère effectif, proportionné et dissuasif, sans porter atteinte aux dispositions constitutionnelles invoquées (…). Les assureurs pourraient sans difficulté sauvegarder tant les intérêts des preneurs d’assurance que leurs propres exigences de sécurité juridique en se conformant à leur obligation d’information » (Cassation, 13/01/11).

Rédigé par Géraldine Vial

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